Erwan Minier a assisté il y a quelques jours, au Keynote du gourou de l’IA : Laurent Alexandre, lors du salon Customer Relationship & Marketing Meetings à Cannes. Il vous raconte, c’est passionnant et perturbant à la fois.

Allons-nous devenir les vassaux de l’intelligence artificielle !

D’ici à 2030, la plupart des tâches de la vie quotidienne qui peuvent être robotisées seront robotisées.

Nous allons passer d’un monde capable d’associer l’immense majorité de la population à l’organisation globale de la société, à un monde où une partie de la population, qui aujourd’hui est cantonnée à des tâches et fonctions répétitives et à faible valeur ajoutée restera sur le bord de la route.

Tout comme personne n’avait prévu l’explosion des smartphones, des réseaux sociaux ou même de Youtube, personne ne sait dire les révolutions qui nous attendent dans les deux décennies qui arrivent.

Les révolutions à venir vont avoir des conséquences économiques, sociales et géopolitiques.

Vont alors apparaître deux catégories :  les optimistes, qui vont penser que nous allons vers un monde formidable; et les pessimistes qui vont y voir la fin des équilibres, fragiles, mais équilibres quand même.

Il faut donc réfléchir aux conséquences de l’IA.

Que faire avec ceux qui seront moins intelligents que l’IA, et donc supplantés par cette dernière.

Soyons modérés, l’IA saura traiter des tâches répétitives et automatisées mais nullement des problèmes complexes.

On parle d’IA sans conscience.

Mais qu’allons nous faire des chauffeurs routiers remplacés par des camions autonomes ?

Qu’allons nous faire des femmes de ménage dans les hôtels qui seront remplacées dès 2030 par des robots bons marchés ?

Il va donc falloir repenser l’avenir de tous les métiers manuels.

A tout problème, une solution…

Certains comme Elon Musk pense qu’il faut via des nanobots implémentés dans les cerveaux, permettre à tout à chacun d’améliorer son QI, pour palier ainsi les inégalités .

D’autres proposent de la sélection embryonnaire…

On voit ici les conséquences incroyables du déploiement de l’IA au sein de notre civilisation. L’IA devient alors davantage source de problèmes plutôt qu’apporteur de solutions

Si on se place du côté des optimistes, on retiendra que l’IA détecte un cancer du sein dans 99% des cas contre 65% pour la cancérologue expérimenté.

Est-ce à dire que demain, le monde de la médecine peut être disruptée, avec plus de 30% de leur activité quotidienne confiée à l’IA ?

Autre problème : pas d’IA sans Data

Pourquoi ?

En 2018, il n’y a pas plus de 10 producteurs d’IA dans la monde, et surtout l’immense majorité de la data est détenue par les mastodontes que sont les GAFA et les BATX.

Comment, dans ce contexte, peut-on imaginer un équilibre mondial au regard du poids que procure la détention de la data et de son exploitation.

Tout devient alors une question d’éthique, et de s’interroger sur ce que les tous-puissants vont faire de l’IA.

Une chose est certaine, c’est l’imprévisibilité du futur.

Dans la années 90, avec l’arrivée d’internet grand public, les défenseurs de cette industrie prédisaient un monde meilleur, une démocratie plus forte, moins d’inégalité matérielle et intellectuelle, la suppression des « fake news », la fin des régimes autoritaires…

A la place de cela, on a vu arriver le Darknet, la performance extrême  de l’IA capable, à partir d’une simple photo de visage, de déterminer nos orientations sexuelles ou notre QI,. On a une concentration de la richesse, des industries disruptées et donc fragilisées….on a une société du nom de WhatsApp qui avec ses 55 salariés à la même valeur que Peugeot, 200 000 salariés, et fondée en 1810.

Tous ces bouleversements, ont des conséquences politiques, car ces déséquilibres sociaux font naturellement naître des mouvements extrémistes d’opposition qui se développent sur ces terrains fragilisés par l’arrivée de l’IA et de la nouvelle économie qui en découle.

Et l’Europe dans tout cela ?

A l’ouest, nous avons les GAFA, à l’Est nous avons les BATX, et au milieu : rien.

Ce déséquilibre laisse à penser que nous allons effectivement rester une colonie numérique de ces puissances, incapable de lutter et d’agir pour un équilibre géo-politique, faute de représenter une puissance au sens large du terme.

Ne serait-il pas bienvenu pour nos politiques de s’investir dans des travaux de prospective stratégique ?

Très certainement, mais avec l’arrivée de la RGPD, nos dirigeants font preuve du contraire et scellent son avenir de vassal de l’IA, aux mains des GAFA et des BATX.

L’IA est-elle déjà à l’oeuvre dans son travail d’influence, tout comme cela a été le cas pendant la période électorale américaine ?

En synthèse, il faut admettre que nous sommes à l’aube d’une révolution technologique aux conséquences sociales, économiques et géopolitiques. L’ordre du monde, tel qu’on le connait aujourd’hui va être métamorphosé, et les cartes redistribuées. Cette révolution sera sans commune mesure avec ce que nous avons connu par le passé, par la fulgurance de sa vitesse et de ses conséquences.

L’erreur serait donc de fermer les yeux sur le poids du Big Data, de considérer qu’il n’est que l’apanage des sociétés de marketing. Le Big Data, aux mains des dictateurs et des politiciens malveillants présente une menace, et le Big Data aux mains des chercheurs et scientifiques humanistes représente une opportunité inédite…l’appréhension du monde qui se dessine, nécessitera certainement la création de comités d’éthique internationaux, composés de membres issus de toutes les couches de la société, pour encadrer politiquement les initiatives privées, et se doter de pouvoirs supra-financiers pour arbitrer les lois de demain. Est-ce réaliste ou vainement utopiste, la question vous est posée.