New York Times annonce jeudi 28 février que le projet de crypto-monnaie du géant américain facebook devrait voir le jour dans peu de temps, celle-ci pourrait être lancée d’ici la fin du premier semestre 2019. Cette monnaie aura pour but de permettre l’envoi d’argent en ligne via ses applications, déployée dans un premier temps sur sa messagerie instantanée Whatsapp puis généralisée au reste de ses applications. La nouvelle avait été rendue publique en décembre dernier par Bloomberg qui annonçait que la monnaie numérique du géant américain serait basée sur la technologie blockchain. Ce produit viserait d’abord le marché indien avec plus 480 millions de connectés à internet et pour lequel plus de 69 milliards de dollars transitent chaque année, notamment grâce à ses nombreux expatriés. Le réseau social américain privilégierait une crypto-monnaie « stable » dont la valeur pourrait finalement être indexée à un panier de cinq devises différentes, alors que le seul dollar avait été initialement envisagé en décembre dernier. Un tel choix permettrait à Facebook de limiter sa dépendance à la politique monétaire américaine, mais aussi d’adopter une position plus neutre au regard de ses futurs utilisateurs. Cette  monnaie « stable » de facebook serait probablement moins attrayante pour les spéculateurs en raison de son prix fixe lié à des monnaies nationales comme le dollar américain ou l’euro.

Selon le rapport d’un analyste, facebook pourrait générer des revenus de paiements réalisés via sa crypto-monnaie. Selon lui, la monnaie du géant des réseaux sociaux pourrait rapporter jusqu’à 19 milliards de dollars en revenus supplémentaires d’ici 2021 si ses plans de crypto-monnaie fonctionnent. C’est aussi une opportunité pour la firme de se refaire une meilleure réputation, le modèle d’affaires actuel de facebook, basé sur la collecte et la vente des données utilisateurs a beaucoup été critiqué par les consommateurs, les politiciens et les organisations de protection des droits, l’an dernier. C’est un rapport encourageant, surtout qu’il vient d’une source crédible. Ross Sandler est directeur général d’Americas Equity Research & Senior Internet Analyst chez Barclays, une banque britannique basée à Londres.

Il n’en fallait pas plus pour lancer une vague de spéculation sur la création d’une crypto-monnaie par la société, des spéculations d’autant plus crédibles que c’est David Marcus, ancien dirigeant de Paypal et et ancien responsable de Messenger, qui est à la tête de ce groupe d’étude de la blockchain au sein de la firme depuis mai 2018.

La société avait cependant réfuté dans un premier temps tout projet de création d’une crypto-monnaies :

« Comme beaucoup de sociétés, facebook explore les moyens d’utiliser la technologie blockchain. Notre petite équipe explorera de nombreuses applications. Nous n’avons rien de plus à partager » s’était en effet contenté de déclarer la société à l’époque.

Une équipe « secrète », et des effectifs en forte croissance

Cela n’a pas empêché cette petite équipe dédiée aux crypto-monnaies de ne cesser de croitre en effectifs depuis sa création, une équipe qui travaille d’ailleurs en isolation des autres employés de la firme.

D’ailleurs, ce département « blockchain »  compte désormais une cinquantaine de personnes dans ses effectifs grâce à l’aquisition en février dernier, de « Chainspace », une petite start-up blockchain fondée par des chercheurs de l’University College de Londres, dans l’objectif principal de mettre la main sur les employés de la société, un « acqui-hire » dans le langage de la Silicon Valley.

Grace à cette acquisition facebook chercherait à accélérer le nombre de transactions par seconde pour rendre cette technologie plus « grand public ». Actuellement la technologie blockchain permet de validé 7 transactions par seconde alors que le système VISA lui peut en traiter 56 000 par seconde.

Pour rappel, blockchain ou « chaine de blocs » est une base de données décentralisées et massivement dupliquées, c’est comme un registre visible par tous, dont les écritures ne peuvent être ni modifiées ni supprimées. cette technologie n’est pas régie par des hommes mais par des protocoles techniques ce qui la rend 100% fiable. Chaque bloc émis est validé par les noeuds du réseau (les « mineurs », des personnes qui mettent à profit la puissance de calcul de leur matériel informatique pour vérifier les transactions). Une fois le bloc validé, il est horodaté et ajouté à la chaîne de blocs. Dès lors, les informations ne sont plus modifiables car chaque bloc garde une trace de la transaction et se lie aux autres en respectant un ordre chronologique. La transaction est alors visible par l’ensemble du réseau et devient infalsifiable.

Mais pourquoi une crypto-monnaie alors que le réseau social utilise déjà une monnaie virtuelle ?

« Je le pressentais depuis un certain temps, cela me semblait n’être qu’une question de temps avant que les GAFA se penchent sur le sujet des crypto-monnaies », déclare Alexandre Stachtchenko, cofondateur et directeur général de Blockchain Partner, le leader français de l’accompagnement des entreprises dans la technologie blockchain. Pour le géant américain, c’est particulièrement évident : sa messagerie intégrée Messenger permet déjà d’envoyer de l’argent entre utilisateurs depuis 2015 (2017 en France) mais se heurte pour le moment aux désagréments du système bancaire traditionnel : les fonds peuvent mettre jusqu’à 5 jours pour être transférés et plusieurs intermédiaires entrent en jeu (cartes bancaires, banques, etc.), donc des frais supplémentaires. Une crypto-monnaie permettrait ainsi de rendre le processus quasi-instantané et surtout de remplacer les prestataires bancaires et permettrait d’aider des milliards de personnes à accéder à des choses dont elles ne disposent pas. Celles-ci pourraient se matérialiser par des services financiers équitables, de nouvelles façons d’épargner ou de nouvelles façons de partager des informations. Le réseau social pourrait ainsi apporter un accès bancaire à des populations exclues du système financier… tout en imposant ses propres services. Une initiative qui ferait écho à Internet.org, un projet mené par la société depuis 2015 pour proposer un accès gratuit à Internet dans les pays en voie de développement mais qui contraint les utilisateurs à utiliser ses produits et ceux de ses partenaires. Son appli Free Basics avait déclenché une grande polémique en 2015 en Inde, déjà.

Éveiller les consciences des États

l’émergence d’un tel produit pourrait profondément bouleverser Le monopole des monnaies étatiques. Cela devrait réveiller les banques centrales nationales et pousser la BCE à se pencher sur le sujet des crypto-monnaies. La monnaie à laquelle nous sommes habitués, qui se croyait à l’abri de la concurrence, va maintenant la prendre de plein fouet et devra s’adapter sinon elle risque de perdre du terrain, de replacer la crypto-monnaie au centre du jeu et de lui accorder plus de légitimité.

Il faudra bientôt pour les banques centrales se posent la question du « moins pire », entre une monnaie comme Bitcoin, sorte d’étalon-or mondial, monnaie commune, sur laquelle nous pourrions avoir une influence (en attirant les mineurs, les plateformes d’échange, les développeurs principaux, etc.), et une monnaie privée type Facebook Coin. Il faut absolument qu’elles arrêtent de torpiller des monnaies contre lesquelles elles ne peuvent rien (le Bitcoin existe depuis plus de 10 ans et continuera d’exister, malgré les blocages et tentatives de discrédit de la part des banques, comme les fermetures de compte), parce qu’elles sabordent leur propre futur en préparant le terrain pour de nouveaux concurrents : les GAFA.